Une petite histoire de Blandine Hermelier (I)

novembre 14, 2018

Une petite histoire de Blandine Hermelier (I)

"Charmante rencontre sous la pluie"

Saleté de temps de clebs ! Avec toutes ces cordes, je ne m’entends même plus pleurer. Tu n’as donc aucune miséricorde ? Espèce de… Espèce de…

Bon sang de bois!

Je ne sais même plus comment t’insulter tant tu cumules les titres honorifiques. Me faire plonger là-dedans, moi ? Mais ma parole ! C’est qu’elle veut ma peau à coup sûr la diablesse ! Je meurs de faim ! J’en ai assez de devoir traîner ma carcasse depuis trois jours en engloutissant des restes de kebab, je veux une douche, un lit… Est-ce que j’en demande trop ? Non, non, je suis aimable, polie, toujours agréable, mais là, bobonne capitule !

Ouh...

Mais quelle puanteur !

C’est répugnant.

Je refuse de plonger dans ces immondices ! Et puis pour récupérer quoi ? Des lucioles ? Des bouts de météorites ? Un vieux sandwich ?

Non, non, non. Non !

C’est assez !

J’avais un petit cocon douillet, une petite vie sans histoire. Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Je te jure que je vais dégobiller si tu me forces à aller plus loin…

Babouin ! Salamandre ! Tu es aussi pourrie que ces ordures !

– Tu veux quoi, toi ? J’ai pas de numéro de téléphone ! Fous-moi la paix où je te fais une prise de zouk indien !

– Parce que je suis censé vouloir votre numéro ? Vous savez au moins ce que c’est qu’une douche ? Vous puez la gerbe de rat.

– Oh, hé le nachos ! Je suis à la rue depuis trois jours, je schlingue et j’ai la dalle mais ça ne m’empêchera pas de défendre le peu de dignité qu’il me reste !

– Superbe, écoutez je m’en tamponne le coquillard de votre petite vie de cloche raciste, j’ai autre chose à foutre de ma journée.

– D’accord, je vois le genre. Habitué à votre petit confort, sans jamais vous remettre en question… Oh, je vous le concède ce n’est pas facile de se mettre à ma place, mais vous pourriez au moins avoir la délicatesse de vous interroger quand vous vous trouvez devant une personne faisant face à de véritables difficultés ! Qui sait vous trouverez peut-être mon cadavre dans un caniveau demain ! Et bien là vous regretterez de ne pas m’avoir tendu la main ! Croyez-moi !...

– Oh ! Coupez-court au discours larmoyant, vous voulez ! Ça fait presque cinq ans maintenant que je suis à la rue, est-ce que je vous force à mettre le nez dans ma merde, moi ?

– Oh ! Vous êtes à la rue ! Vous ? La meilleure ! Et comment faîtes-vous alors monsieur « je fais tout mieux que tout le monde » pour ne pas avoir à mendier et à vous prosterner devant le premier venu pour qu’il vous jette deux ou trois sous ?

– Parce que vous vous prosternez là ? Hê bien ! Spectaculaire. Je ne mendie pas. Je vis autrement.

– Genre…

– Genre, ça ne vous regarde pas.

– Au secours ! Je me fais attaquer ! Au vio…

– Bordel ! Bouclez-là ! J’ai juste trouvé un endroit où squatter.

– Où ?

– Alors là vous pouvez toujours courir.

– M’en fous, je n’ai plus rien à perdre !

Ouf, c’était juste à côté dis donc ! Tant mieux, je suis un vrai cachalot à la course à pied. Pour une fois que l’autre succube me lâche un peu de leste, dis !

– Waouh ! Alors c’est ça un squat ? C’est vachement plus chic que ce que je pensais !

– Vous m’avez suivi !

– Bien sûr que oui, vous me prenez vraiment pour la dernière des quiches.

– Sortez d’ici ! Croyez-moi vous êtes en train de commettre une grossière erreur de jugement. Je suis resté correct jusqu’à maintenant, mais là vous avez franchi un cap, vous allez prendre vos cliques et vos claques et foutre le camp !

– C’est un foutu squat ! Au nom de quel sodomite est-ce que je n‘aurais pas le droit de rester ?

– Même dans l’anarchie il y a des règles à respecter.

– Blablabla… C’est mignon toutes ces petites lampiotes au plafond, vous les avez accrochées vous-même ?

– Très bien, si vous insistez, je vais vous mettre dehors moi-même.

– Oh et ça là qu’est-ce que… c'est ?...