Les Femmes D'Aubigné-Chapitre Deuxième

Bonjour lecteur ! Le voici, le voilà, le deuxième chapitre des chroniques intimes et féminines d'Aubigné, bonne lecture...

Chapitre Deuxième :



Lorette Poiret, 26 Juin 1889, Auberge du Lac Asséché.

Cher Journal,

         Le Maire d’Aubigné a débarqué ce matin à l’auberge. Il nous a salué chacune d’un mot sans âme puis sans attendre a poussé Bathilde à bord de sa calèche. Madeleine et moi avons à peine eu le temps de lui dire « au-revoir » et « bonne chance » ! J’en reste proprement sidérée. Quel manque flagrant de manières, et dire qu’il s’agit du Maire ! En outre, cette intervention subite a brisé d’un coup net notre petit cocon féminin. Cela a fait ressortir mes angoisses. Désormais, je ne peux plus m’empêcher de songer au pire concernant mon Mathurin. Plus les heures passent, plus le doute s'immisce et s’installe durablement à l’intérieur de moi. Mais je ne peux revenir en arrière. Tout serait perdu.

            Madeleine semble aussi en proie au démon, elle ne joue plus de piano. Elle scrute le pendule de la salle à manger comme hypnotisée par sa danse, j’aimerais parler avec elle mais les mots restent coincés quelque part au fond de ma gorge. Finalement je fais part à ma compagne d’un constat navrant : « il pleut ». Pas une petite pluie agréable et fraîche sous laquelle j’aurais été courir et rire, non, un véritable torrent. Des cordes et des cordes que même mille moines zélés n’arriveraient pas à tirer. Je contemple le spectacle un peu hébétée. La situation tout comme cette pluie diluvienne me dépasse. Une machine infernale est à l’oeuvre, elle m’avale. Où était mon erreur ? Je cherchais la liberté en venant ici. L’indépendance. Pourquoi est-ce que je me sens si coincée ? Où me suis-je trompée ?

         Je me force à penser à Mathurin. Dans les lettres qu’il m’a écrites j’ai trouvé un véritable trésor. Une âme sœur. Ses mots étaient bruts, simples, naturels. Il est venu s’installer à Aubigné pour vivre sa vie comme il l’entendait, il se nourrit de chasse et de pêche. Il est libre. Insaisissable. Vivant. Dès la première lettre je n’ai désiré qu’une seule chose : le rejoindre, là, tout de suite, sans attendre. Je brûlais de le voir, de le sentir, de le toucher. Mais comment faire ? Étais-je capable de fuir ? Mon regard enveloppe les alentours comme pris d’une soudaine fièvre. Toutes ces questions emmêlent mes idées. Tout compte fait je préfère encore me mouiller.

Lorette.




Madeleine Melchior, 27 Juin 1889, Auberge du Lac Asséché.

Cher Journal,

         Lorette est malade, elle a pris froid en batifolant sous la pluie hier. Toutes mes pensées sont tournées vers son rétablissement. Je la force à rester allongée, ce qui s’avère être une véritable torture pour elle, entre deux fièvres elle me lance des regards noirs comme pour me faire comprendre que ma surveillance l’étouffe. Elle m’a dit ce matin qu’elle avait déjà connu pire, mais je suis tout de même très inquiète. L’hospice le plus proche est au moins à trois bons jours de marche. Si je dépêche une estafette maintenant peut-être un docteur se déplacera-t-il ? Mais ce n’est même pas certain. La maladie m’a déjà enlevé une petite sœur, je ne veux pas en perdre une deuxième. L’aubergiste, lui, reste affable, il nous fait parvenir un peu d’eau fraîche de temps à autre, mais c’est tout. Son rôle s’arrête là, me dit-il, si elle crève ce n’est pas son affaire. J’essaye de ne pas réagir, l’émotion serait trop forte et je dois me montrer solide. Je pense à Mathurin qui sera bientôt là, que pourrais-je bien lui dire si sa fiancée n’est plus alors même qu’il ne la connaît pas encore ?

             Que Dieu nous vienne en aide.

Madeleine.



Madeleine Melchior, 28 Juin 1889, Auberge du Lac Asséché.

Cher Journal,

              Tout s’est déroulé très vite. Mathurin Havrier, le fiancé de Lorette est arrivé sous les coups de six heures. Le Vallès qui buvait seul accoudé à son bar lui a expliqué la situation, non sans enjoliver son rôle dans l’histoire. Mathurin a simplement acquiescé. Déjà trop inquiet pour réfléchir avec calme. De mon côté, je somnolais sur ma chaise à force de veiller. La porte de la chambre s’est ouverte à la volée, il est entré, l’aubergiste sur les talons. Je me suis trouvée un peu bête. On a échangé un drôle de regard avec Mathurin, il était affolé, j’étais surprise. Je n’ai pas dit un mot, je lui ai simplement désigné Lorette. Il a porté sur elle des yeux très doux, déjà amoureux. Il s’est approché à pas de loup, a posé une main sur le front malade de mon amie dont les paupières restaient désespérément closes.

             Tourmenté par son manque de réaction, il l’a immédiatement soulevé dans ses bras et m’a demandé si je lui avais fait prendre un bain, ce à quoi j’ai répondu que non car Le Vallès avait refusé d’entamer sa réserve d’eau. Il s’est tourné vers l’aubergiste et lui a ordonné d’en préparer un, le pauvre gros était complètement déconfit et je dois dire que pour une fois cela ne lui faisait pas de mal. Après le bain forcé, la fièvre de Lorette est légèrement retombée. Une larme de soulagement s’est laissée aller tout contre ma joue. Lorettte a perdu du poids et quelques cheveux mais elle est vivante et c’est tout ce qui importe. Après cela, j’ai échangé quelques mots avec Mathurin, je lui ai raconté comment s’était déroulé notre séjour ici. Il m’a écouté attentivement et m’a promis que si mon fiancé n’arrivait pas rapidement il m’emmènerait avec lui et Lorette, chez lui, à la Ferme de l'Étang.

          Cette promesse me rassure autant qu’elle me terrifie car si je veux être complètement honnête, je dois reconnaître que cette soudaine présence masculine a éveillé quelque chose en moi. Il était parfaitement maître de lui même et dégageait une maturité toute virile. Une aura qui inspire l’abandon de soi. Un abandon que je ne peux me permettre à l’aube de rencontrer mon futur époux. Rester seule avec Le Vallès n’étant pas envisageable je prie désormais pour que mon fiancé soit là dans les délais les plus brefs.

Madeleine.



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Commentaires

  1. Mais en plus tu scénarise vraiment très bien ! J'ai vraiment l'impression de lire un livre ! J'adore également les poses de tes personnages ça les rends vraiment vivant !

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    1. Oh merci beaucoup ! Parce que oui, c'était un peu mon ambition première, une sorte de livre illustré par mes sims... Un peu comme si je faisais une collaboration avec eux vu que je ne dessine pas très bien (je m'entraîne ceci-dit).

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  2. Je vois totalement ce que tu veux dire ^^ Ho tu dessine ? J'espère qu'un jour tu nous posteras un de tes dessins :)

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