Les Femmes d'Aubigné-Chapitre Sixième
Les femmes d'Aubigné ont dû attendre que mon été se termine pour que le leur continu mais me voilà de retour bien décidée à rédiger et photographier. Allez, que tout le monde mange bien ses brocolis et bonne lecture !
Chapitre Sixième :
Bathilde Carron de la
Morinet, 8 Juillet 1889, Bourg.
Cher
Journal,
Je
ne me sens pas très bien. La nuit de noces… Je ne suis pas capable
de mettre des mots sur ce qui s’est passé. Depuis je suis dans un
état de léthargie absolue. En apparence bien sûr tout va pour le
mieux, je continue à effectuer mes tâches quotidiennes comme si de
rien était. Mais dans les faits je suis abattue comme je ne l’ai
jamais été. Anatole s’est montré d’une brutalité sans borne.
Je ne m’étais jamais sentie aussi humiliée de toute mon
existence.
Il
ne m’a pas touché depuis.
Je
pense qu’il a lui même honte de ce qui est arrivé. Moi aussi j’ai
honte. Je me sens incroyablement sale. J’ai pris plusieurs bains
mais l’incrustation reste. Avec mon hymen a disparu une partie de
moi, désormais je ne suis plus que le vide qui y a pris place. Je me
suis baladée dans la ville aujourd’hui. J’ai observé les
maisons, les ruelles, les arbres. Tout m’est soudain apparu d’un
œil neuf. Plus petit, sombre, étroit. Je cherche un coin paisible
qui ne serait qu’à moi. On m’a parlé du lavoir à côté de
l’ancienne chapelle. J’aimerais m’y rendre. De toutes manières
j’ai du linge à nettoyer.
Bathilde.
Lorette Poiret, 9 Juillet
1889, Ferme de L’Étang.
Cher
Journal,
Voilà plusieurs jours maintenant que je suis seule à la ferme avec
Mathurin. Je me fais à son rythme de vie. Il passe la majorité de
son temps à l’extérieur et je tente d’en faire de même. La
ville ne me manque pas. Au contraire, je m'accommode bien plus
facilement que je ne le pensais à Aubigné, les rues étroites et
bondées de Paris m’apparaissent comme une sorte d’immense usine,
sale, puante, sombre, sinistre même. Comment ai-je bien pu y vivre
si longtemps ? Rien que l’idée me provoque des sueurs
froides, et je n’en suis pas mécontente parce que cela signifie que
j’ai fait le bon choix en me lançant dans toute cette aventure.
Le
mariage de Bathilde m’a profondément remuée aussi. J’ai comme
pris soudainement conscience de la réalité. Ma vilaine tendance à
me cloîtrer dans mon imaginaire a pris un coup sur le coin du
museau. Tant mieux. Je suis venue ici dans l’espoir d’un grand
changement, ou au moins d’une découverte de moi-même. Je mettrai
un point d’honneur à repousser mes limites quelles qu’elles
soient. J’en ai besoin. Il est chose commune de dire que l’on a
qu’une seule vie mais vivre toutes ces nouvelles expériences en
même temps me fait réellement en prendre conscience. Je cherche à
devenir l’une de ces personnes que j’admire tant par leur courage
et leur persévérance car il n’est pas simple de ne pas tomber
dans la facilité.
Lorette.
Bathilde Carron de la
Morinet, 10 Juillet 1889, Lavoir gallo-romain.
Cher
journal,
Mon
dieu que cet endroit est beau.
Je
me suis assise toute l’après-midi au bord du petit bassin.
Contemplant mon reflet qui se mouvait lentement sous mes pieds. J’ai
pleuré. Les larmes se sont perdues sur mes lèvres, leur sillons
inscrit dans le creux de mes joues. Le temps a filé sans juger bon
de m’en avertir. Je suis tellement heureuse d’avoir rencontré
cet endroit. Sans savoir comment je me sentais vivement attirée par
lui alors même que j’en avais à peine entendu parler. Maintenant
je sais pourquoi. Toutes mes angoisses se sont exprimées d’un seul
coup. Mon cœur avait besoin d’un endroit secret où s’épancher,
une cachette pour ses émotions captives. Je l’ai trouvé alors
qu’il approchait de sa limite.
Aucun
lieu ne m’avait jusqu’alors tant bouleversé. Depuis la nuit de
noce je me sens si étrange. Je ne suis pourtant pas une
mélancolique. Mais ce trou qui s’est formé entre mes jambes au
prix de la douleur, je ne peux plus le supporter. J’ai l’impression
qu’on m’a dérobé un trésor que jusque là je n’avais pas
même conscience de posséder. Je ne peux même plus croiser le
regard d’Anatole. Je ne peux le supporter. J’ai honte de le dire
mais sa vue me glace le sang, me donne envie de dégobiller.
Que
vais-je devenir ?
En
parler à Madeleine ou Lorette ? Non. Je ne ferais que les
effrayer. Et puis, qu’y comprendraient-elles ? Avant j’étais
la première à répéter qu’il faut supporter les hommes, que l’on
doit se plier autant que faire se peut à leurs volontés, mais
aujourd’hui… Je ne sais plus rien du tout. Tout ce que je croyais
ou pensais savoir. Hê bien tout cela me semble bien maigre face à
la réalité.
Aie aie la pauvre...J'espère qu'elle va s'en remettre et que son mari sera plus doux la prochaine fois....
RépondreSupprimerObjectif émotion ! Check ! Merci pour ton retour !
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