Les Femmes D'Aubigné-Chapitre Quatrième
Parce qu'il faut sourire même sous la pluie, dites "Ouistiti" !
Chapitre Quatrième :
Lorette Poiret, 2 Juillet
1889, Ferme de L’Étang.
Cher
Journal,
Je
me sens beaucoup mieux à présent. Je n’aurais pu rêver meilleur
endroit que la Ferme de L’Étang
pour me remettre d’aplomb. Je fais petit à petit connaissance avec
les alentours. Jojo, les poules, Mathurin…
Je
ne sais pas encore quoi penser de lui. Il n’est pas très beau, pas
très bavard non plus mais je suis bien incapable de retenir les
sursauts de mon cœur dès lors qu’il est près de moi ou qu’il
me frôle de ses grandes mains calleuses. Madeleine m’assure qu’il
me dévore des yeux à chaque fois. Je ne sais pas. C’est bien la
première fois de ma vie que de telles sensations m’assaillent.
Savoir qu’une personne a un pouvoir si grand sur moi est à la fois
agréable et tellement effrayant. Je suis comme ensorcelée. Je ne
pense qu’à lui. Je voudrais pouvoir être à ses côtés jour et
nuit. Madeleine me prie de rester en place. J’en ai pourtant assez
de me reposer.
Je
veux explorer.
M’aventurer
dans la forêt pour cueillir des champignons et des baies. Ici, c’est
chez moi désormais. J’y vivrais libre. J’ai bien conscience de
n’avoir été jusqu’ici qu’une petite citadine aux mains
délicates mais je suis bien déterminée à montrer à tout ceux qui
m’entourent que je peux faire mieux. Je peux être une femme de la
campagne aux mains robustes et aux mots simples. Je rendrais Mathurin
fier. Je rabattrai le caquet de toutes les mauvaises langues qui
auront doutés de moi en chemin.
Oui,
ma nouvelle vie est porteuse de maintes promesses. Aujourd’hui, plus encore qu'hier, je
me sens capable de tout affronter.
Lorette.
Madeleine Melchior, 3
Juillet 1889, Ferme de L’Étang.
Cher
Journal,
Nous
avons reçu une lettre de Bathilde ce matin. Elle nous convie à
ses épousailles qui auront lieu ce dimanche à l’église Saint Joseph d'Aubigné.
Elle semble bien s’adapter à sa nouvelle vie. Je suis si heureuse
pour elle. Elle nous propose de passer la voir dans sa maison
aussitôt que nous le souhaiterons. Lorette va beaucoup mieux. Elle
est même complètement rétablie. Elle veut que l’on s’y rende
dès l’aube et à pied ! Je n’y vois pas d’inconvénients. Je
pourrais peut-être même demander au Maire des nouvelles de Siméon.
L’excitation
de ma compagne est contagieuse. Voilà que mes joues prennent la
couleur des pivoines. Il faut dire que suis curieuse de visiter
cette maison qui nous est dépeinte comme un véritable palais et
bien sûr de voir enfin le bourg car jusqu’ici nous n’avons
aperçu, Lorette comme moi, que sa périphérie.
Il
me tarde d’être à demain.
Madeleine.
Lorette Poiret, 4 Juillet
1889, La Potière.
Cher
Journal,
Aubigné
est entré dans mon cœur pour ne plus jamais en sortir. Le bourg est
tellement agréable et charmant. Je n’avais jamais encore compris
le sens du mot bucolique avant de fouler les petits pavés serrés
d’Aubigné. Quant à Bathilde sa maison est incroyable ! Elle
compte deux étages sans les combles et sa petite serre intérieure
est si chaleureuse. On sent bien que cette pièce lui appartient car
un soin particulier y est accordé à chaque chose aussi petite
soit-elle. Ce n’est pas moi qui serait aussi méticuleuse.
Je
dois tout de même reconnaître que Monsieur Carron de le Morinet a
bon goût. Je l’avais mal jugé à notre rencontre. La ville est en
pleine construction et son Maire a tant à faire qu’il se doit
d’être très pressé. Madeleine a d’ailleurs enfin pu lui parler
de son fiancé, il s’est montré très obligeant envers elle. En outre quelle n’a pas été notre surprise d’apprendre que Siméon
n’était autre que son cadet. Bathilde nous a discrètement informé
qu’un motif récent les avait tout deux fâchés. Elle n’en
savait malheureusement pas plus mais cela explique pourquoi Siméon
signait toutes ses lettres d’un autre nom.
Monsieur Carron de la
Morinet a finalement promis à Madeleine qu’il enverrait son
adjoint chercher son frère chez lui dans le courant de la journée de demain
avant de nous inviter toutes deux à rester pour la nuit. Nous ne
voulions pas déranger mais Bathilde a insisté, elle mourrait
d’envie de connaître le récit de nos aventures. Nous restons donc
jusqu’à demain, dans l’espoir que Siméon se montre enfin.
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